J’ai récemment eu la chance d’avoir à expliquer, à l’émission de radio Plus on est de fous, plus on lit, pourquoi je considère qu’il est toujours pertinent de lire John Stuart Mill aujourd’hui. Les raisons ne manquent pas. Dans le temps qui m’était imparti, j’ai surtout insisté sur sa défense de l’individualité et sa critique du paternalisme de l’État ou de l’opinion majoritaire. Pour Mill, on peut légitimement interdire des comportements au nom du tort qui pourrait être causé à autrui, mais jamais pour protéger les individus contre eux-mêmes. Les individus doivent être libres de faire leurs propres expériences, et ils doivent assumer les conséquences de leurs actes. Prévenir le « tort à soi » ne justifie pas, selon lui, la restriction de la liberté. Or, plusieurs positions défendues dans nos débats publics sont fondées au moins en partie sur l’idée que l’État ou la majorité connaît mieux les intérêts des certaines personnes que ces personnes elles-mêmes; pensons, par exemple, au débat sur le sens du hijab, sur les mères porteuses, sur la prostitution ou sur le statut juridique de l’union de fait.… Continue reading
Jocelyn Maclure
Au Canada, c’est au Québec que l’on trouve le plus grand nombre de couples vivant en union de fait. C’est aussi au Québec que le conjoint le plus vulnérable est le moins protégé au moment de la dissolution d’un couple non-marié. Le plus souvent, le « conjoint le plus vulnérable » est la conjointe. En gros, il n’y a pas de véritable partage du patrimoine et le conjoint le plus fortuné n’est pas obligé de verser une pension alimentaire, sauf une pension pour l’enfant né de l’union, le cas échéant.
Au moment du débat sur l’arrêt Éric c. Lola, j’étais malgré tout en faveur du maintien d’une distinction juridique significative entre union de fait et mariage. Cela m’a toujours semblé une question difficile, mais l’existence de l’ « union de fait » en tant que catégorie juridique distincte en droit de la famille offre une option supplémentaire aux couples en matière de vie conjugale.… Continue reading
Daniel and I have been arguing for several years that one of the main reasons why the reaction against a liberal and pluralist political model of secularism is strong in Quebec is that an unlikely coalition between some progressives, including some feminists, and conservative or culturalist nationalists took shape in the course of our ongoing debate on religious accommodation (see here, p. 4). With regard to the controversies about the status of religion in the public sphere, Quebec appears to be closer to many Western European countries than to ROC. The French social scientist Olivier Roy just published a very powerful piece in the NYT showing how the European far right has been pushing for an “aggressive” form of secularism in order to defend against an alleged Islamic threat. It still pays lip service to the notion of a Christian Europe, but it now arguably uses the language of liberal secularism more than the language of culture and tradition.… Continue reading
Le gouvernement Couillard soupèse l’idée d’augmenter modérément le tarif des places en CPE pour les familles fortunées. Comme c’est toujours le cas lorsqu’il s’agit des questions touchant à la tarification des services publics, ce ballon d’essai suscite un débat passionné. Une des dimensions particulièrement intéressantes du débat sur la tarification progressive des places en garderies qui sont présentement à 7$ est qu’on peut s’y opposer pour des raisons qui sont elles-mêmes diamétralement opposées.
D’un côté, des personnes qui ne sont pas du tout à droite s’insurgent contre l’idée de devoir payer davantage que les ménages dont les revenus sont plus modestes en raison du fait qu’ils paient déjà, toutes proportions gardées, plus d’impôts que ceux qui sont moins fortunés. Comme notre système d’imposition progressive fait déjà en sorte que le taux marginal d’imposition des mieux nantis est plus élevé, il serait inéquitable de leur demander en plus de payer davantage pour des services publics.… Continue reading
Bruce Wallace, le rédacteur en chef du magazine de l’IRPP Options politiques/Policy Options, m’a demandé au lendemain de l’élection du 7 avril de réfléchir aux causes et au sens du résultat. Le nationalisme québécois est à la croisée des chemins. De nouvelles mouvances se formeront. Je propose une façon d’interpréter l’appui historiquement faible en faveur du projet souverainiste. Mon but n’est pas tant de réfuter l’argumentaire souverainiste que de tenter de comprendre pourquoi il n’est pas très efficace présentement. Je ne cherche pas « à en découdre » avec les souverainistes, mais bien à participer à une réflexion collective sur notre parcours historique et notre situation politique. Le Devoir publie une version abrégée du texte ce matin, et la version complète se trouve dans le plus récent numéro d’Options politiques.
Dalila Awada, l’étudiante en sociologie qui a brillamment tenu tête à Djemila Benhabib lors d’un débat à Tout le monde en parle en septembre 2013, poursuit des gestionnaires de sites internet ainsi que l’ex-candidate péquiste Louise Mailloux pour propos diffamatoires. Ne connaissant pas particulièrement bien ni la jurisprudence sur la liberté d’expression et la diffamation ni la nature de la preuve déposée, je ne me prononcerai pas sur les détails de ce cas particulier. En plus, je souligne, par souci de transparence, que Dalila est une amie que je respecte et apprécie.
Comme il fallait s’y attendre, certains voient dans sa démarche juridique une tentative de museler ses adversaires idéologiques. Il me semble particulièrement ironique que des critiques de la conception soi-disant trop généreuse de la liberté de religion soutiennent aujourd’hui que la liberté d’expression des intimés est menacée d’une façon inacceptable.
D’un côté, les défenseurs de la Charte de la laïcité ont soutenu que la liberté de religion n’est pas absolue et qu’elle ne doit pas avoir plus de poids que les autres droits fondamentaux.… Continue reading
I just received the latest issue of the Literary Review of Canada.
There is a great review of Joseph’s Enlightenment 2.0 by National Post editor Jonathan Key, as well as pieces on transnational financial regulation, Paul-Émile Borduas and the history of religious freedom in Canada. I also have an essay on one of the most pressing and difficult challenges of democratic politics today : how should we think about the connection between grassroot contestatorary politics and electoral democracy? I discuss, among other things, Stephen D’Arcy’s Languages of the Unheard : Why Militant Protest is Good for Democracy and Philip Pettit’s On the People’s Terms : A Republican Theory and Model of Democracy. Although the title the editors chose—“Democratic Unrest. The Case for Protest, from Cicero to Occupy”—implies that I come down in favour of civil society activism, I actually spend a great deal of time showing that institutions and policies matter a great deal.… Continue reading
Le débat d’éthique sociale et économique sur les finances publiques est très polarisé au Québec. Peu tentent de se frayer un chemin entre le discours du « Québec qui vit au dessus de ses moyens » et celui de la « dérive néolibérale ». C’était une des vertus de l’essai La juste part de mes collègues David Robichaud et Patrick Turmel de tenter de le faire. Le débat sur le Rapport Godbout-Montmarquette n’a pas jusqu’ici généré une réflexion collective à la hauteur des défis qui attendent le Québec. Tant la conception étriquée de la démocratie promue par M. Montmarquette que les attaques ad hominem contre les deux auteurs sont désolantes.
Cela étant dit, j’ai été déçu par les brèves recommandations proposées par les deux économistes. Admettons d’abord que leur rapport a été réalisé incroyablement rapidement et qu’il a la grande vertu de nous offrir le portrait le plus à jour de nos finances publiques.… Continue reading
Joe asked the other day whether it is true that Quebec is more left wing than the rest of Canada. He thinks it’s a myth. Although he helpfully debunks some false beliefs about the alleged ideological contrast between Quebec and some of the other Canadian provinces, I want to suggest that he skips over several facts that arguably entitle us to reach a different conclusion.
If you look at public opinion and voting behaviour, it is true that it is far from clear that Quebec is straightforwardly leaning to the left. In 2007, the Action démocratique du Québec and its strong libertarian wing came close to winning the election. The Conservatives made some inroads in Quebec in the 2006 and 2008 federal elections. The Coalition avenir Québec did better than expected on April 7th. The common sense/slash-the-bureaucracy discourse is popular in many suburban and rural ridings in the province. And I’m leaving aside the identity dimension of contemporary debates on social justice.… Continue reading
Par Jocelyn Maclure et Daniel Weinstock
Ainsi, Pierre-Karl Péladeau estime que le fleurdelisé devrait être mis en berne tous les 17 avril pour commémorer la date funeste à laquelle la Loi constitutionnelle de 1982 fut mise en vigueur. Selon celui qui vient d’être élu député de Saint-Jérôme et candidat potentiel à la chefferie du Parti Québécois, c’est ce jour que s’installa au Canada un « gouvernement des juges », qui fut particulièrement fatidique pour les deux grands acquis de la Révolution tranquille: l’affirmation du fait français et la laïcité.
La lettre de M. Péladeau touche à des questions qui sont sans aucun doute très importantes. Il y est question de l’équilibre entre les différents pouvoirs dans une démocratie libérale, et du partage des compétences entre partenaires dans une fédération. Malheureusement, le propos ne se hisse pas au-delà de la caricature.
Commençons par l’idée que la Constitution de 1982 a instauré un gouvernement des juges.… Continue reading